Aux milles chansons nocturnes qui ont la lune pour seul témoin - seule dans le public du plus grand des spectacles, par la fenêtre peut admirer le ballet des corps en fusion, entendre les symphonies étouffées de soupirs un peu fous, mélodies chaotiques jouées par les lèvres entrouvertes. C’est un peu décousu puis désordonné, champ de bataille qui prend place sur leur peau ; pas si beau pourtant merveille que les peaux perlées par l’effort, cheveux emmêlés, quelques marques de guerres sur l’épiderme là où les lèvres ont voulu déposer de nouvelles galaxies.

Drôle que de le voir vouloir offrir l’Éden de ses lèvres à cet homme qu’il ignorait la veille encore ; drôle que l’esprit un peu trop divisé - où l’on tente tant bien que mal de recouvrir d’un correct beige les rouges scandaleux, celui qui aime le temps d’une nuit le corps d’Adam puis finit par l’ignorer, honteux, à se souvenir que ces ébats n’entrent pas dans le cadre de l’image irréprochable qu’il tente inlassablement d’offrir aux autres. Puis craque à nouveau par besoin de relâcher l’ouragan bien trop contenu - un peu tordu que le fonctionnement de l’esprit prisonnier.

Mais qu’importe - les mensonges qu’il fait au ciel, le mépris tranchant écoulé de ses lèvres à la lumière du jour ; qu’importe en cet instant où chaque mouvement offre à l’autre le cadeau du plaisir, où l’on oublie le conflit pour l’harmonie passagère, jouissance offre l’oubli l’espace de quelques secondes, bénies bien que pécheresses.

Calme après la tempête de sensation ; symphonie saccadée de soupirs remplacée dans le silence par les souffles plus calmes, comme celui que l’espiègle tente de récupérer - Hawon sur un nuage, cherche à offrir un peu de douceur, peut-être pour effacer le froid du quotidien, l’attitude si dure. Un bras offert pour entourer les épaules de l’amant de ce soir, et les doigts parcourent la peau de son épaule, y écrivent milliers d’histoires par les caresses ; tendresse peut-être déplacée.

“Je suis content, que tu sois venu. J’avais peur que tu dises non.”

Sincérité peut faire tâche, vilains mots qui jurent avec les actions ; pourtant si réels lorsqu’ils échappent ses lèvres. Hawon ne saurait être prévisible - il est la tempête qui se transforme en brise, puis, sans crier gare, à nouveau vient hurler son souffle et détruire son monde.

Misérable masochiste adepte des espoirs éphémères, incapable de dire non, de tenir face à des possibilités que toi seul parvient à dessiner à partir de rien. Collection de la passion pour les instants qui ne se partagent qu’à deux, conservés comme un doux secret dont les souvenirs s’accompagnent parfois pendant quelques jours de marques sur la peau. Ongles qui s’enfoncent pour mieux oublier la cruelle réalité qui attend les heures ensoleillées. Piégé dans plus d’un cercle vicieux, cœur battant cherchant désespérément à trouver où s’accrocher afin de mieux connaître la déception. Inutile d’insister avec lui, fermé à ton existence en dehors des moments où c’est lui qui réclame vos rencontres. Pantin idiot qui accourt dès qu’il le demande, imbécile qui se laisse adoucir par le contact d’un corps contre le tien.

Facile, terme qui se ravale honteusement, caché derrière la façade qui esquisse le sourire sincère d’un bien-être motivé par les hormones. Une ouverture de laquelle tu profites pleinement, cherchant le réconfort dans une étreinte que tu devrais refuser, préférant t’y loger et te laisser bercer par les doigts frôlant l’épaule. « J’aurais dû. » Franchise nette, affirmée, connue et comprise. Négligé sur tous les points, dignité bafouée sans que tu ne puisses te fermer au charme naturel qui sait te faire revenir. À quelque part, tu détestes ça. Tu souhaiterais avoir le cran dont tu sais tant faire preuve dans les autres sphères de ta vie, capable d’affirmer haut et fort les situations qui te froissent lorsqu’elles ne sont pas en lien avec le rythme du pauvre organe responsable de ta survie. « T’es un enfoiré, Hawon. » Paroles assumées toutefois prononcées avec une once de douceur qui s’accompagne d’une main qui vient s’aventurer sur son torse. « Je veux bien comprendre que t’es pas intéressé, ou qu’importe, mais t’es pas obligé de faire comme si j’existais pas. Ça devient chiant. » Je suis pas un jouet, tu y penses fortement sans parvenir à l’ajouter à voix haute, sachant pertinemment que c’est la définition parfaite de ce que tu es entre toi et lui.

C’est l’aurore apaisante qui prend place entre ses côtes après la tempête - colore de jolis fards rosés les joues des amants, embrassés par la chaleur du soleil levant. Ciel paisible, douceur de l’instant ; confort de la situation en ferait presque oublier la culpabilité. Pourtant, Yihan vient souffler quelques nuages sur l’horizon, noirs de l’orage qui ne demande qu’à éclater de nouveau. Le coeur se resserre dans la poitrine, quelques ronces qui viennent entourer les côtes, s’installer au creux de la gorge ; l’étreinte est paradoxalement resserrée dans l’espoir de les faire brûler.

“Mais tu es venu quand même. Et je suis heureux que tu l’aies fait, tu sais ?”

Paradoxe vivant, il est printemps puis automne, caresse puis coup de poing, vous court après et chante vos louanges, vous place en haut du ciel pour l’instant d’après mieux pouvoir vous jeter sur le pavé - destructeur de son inconstance, l’esprit brisé en bombe à retardement prête à exploser au visage de tous ceux qui persistent à s’en approcher.

“Je sais.”

Trop paisible dans l’annonce de sa propre médiocrité - après tout, habituelle, l’amour de soi n’est pas coutume chez lui. Qui ne semble pas si dérangé par l’insulte, au contraire continue à proférer les tendresses, tente peut-être de gagner quelques pardons ; douceur vient bourgeonner sur le front du malmené sous forme d’un baiser.

“Je suis désolé. Vraiment, vraiment désolé - tu le sais, hein ? Tu mérites pas que je te traite comme ça - je suis désolé.”

Répéter, encore répéter pour que les excuses soient balayées dès le soleil levé ; instabilité constante, épuisante pour lui tant que pour le monde qui l’entoure.

“T’es important pour moi, tu sais ? Même si je le montre pas vraiment.”

Enfant stupide, idiot du village - affirmation seront contredites par les actes dès le lendemain, Hawon passe son temps à tenter de construire des châteaux, les incendie le jour suivant.

Qu’importe pour l’instant - à tenter de se construire un cocon d’illusions, penser quelques instants que tout ira bien, attendri par l’image du garçon au creux de ses draps, innocente dans sa luxure. La main qui n’entoure pas déjà la silhouette vient saisir la sienne - sourire amusé naît au bout des lèvres.

“T’as vraiment des mains adorables, je trouve...surtout comparées au miennes.”

Niaiserie déplacée dans la situation, nécessaire pourtant à l’enfant qui manque de douceur, cherche à apaiser un peu l’esprit orageux.

Épuisement des attentes, fatigue au bout des doigts qui veulent néanmoins ne pas perdre la chaleur sous leur contact avec une peau dénudée. La capacité de fermer les yeux sur les écarts de conduite qui se fait de plus en plus mince, l’irritation évidente derrière les propos qui pourraient être plus tranchants, mais tu n’en es pas capable avec ceux qui savent bercer le rythme cardiaque au fond de ta poitrine. « T’es autant heureux qu’un mec qui a réussi à dégoter un plan cul. » La raison voudrait que tu quittes l’étreinte pour retrouver les vêtements abandonnés et retourner chez toi. Sa tendance à basculer entre deux pôles perd de son charme, ce qui était avant un trait que tu trouvais fascinant le traine un peu plus chaque fois sur la corde raide de la patience qui s’effrite. L’insulte ne le dérange pas, impassible en dépit du nez dans la vérité que tu lui offres sur un plateau doré. Elle ne pose aucun frein aux administrations affectives qui parviennent à te maintenir en place, toi qui n’attends que le bon moment pour trouver le courage de te défiler du cocon. « Mais oui, c’est ça. Des excuses pour mieux recommencer demain. Tu changeras pas, t’y trouves ton compte au final sans même avoir à insister. » Et ça, la faute revient en partie sur tes épaules qui ne savent tenir tête aux douces promesses de ton imagination.

L’affirmation de ton importance suffit à te décrocher un rire jaune, peu convaincu. Hawon a eu ses chances pour faire concorder actes et paroles, mais chacune s’est retrouvée amèrement piétinée pour ne laisser derrière qu’un voile de déception. « Yeah, right. » Corps qui cherche à se détacher, à s’éloigner, ta main prisonnière de ses doigts en un instant pour lui décrocher un regard aux sourcils froncés. « Si t’essaies de faire une réclamation subtile, tu peux sécher. T’as déjà eu ce que tu voulais. » C’est là que tu décides en avoir assez, puisant la force mentale nécessaire pour te tirer hors du lit et être claqué par le contraste de température alors que tu mets la main sur tes vêtements. Il faut peu de temps pour te retrouver uniquement torse nu avec le t-shirt dans les mains, tiré par l’envie de retourner te lover contre la chaleur qui sait déjà créer un manque au creux de ton âme. « Ne m’envoie plus de messages si c’est pour faire comme si j’existais pas après. » Peine au fond de la gorge qui la resserre, dernier morceau de tissu enfilé par excuse pour fuir le regard du plus vieux.