Regard qui passe de son téléphone sur le canapé à ses mains qui tremblent. Regard qui s’arrête sur les aiguilles de l’horloge avant de se décaler sur la porte qui ne s’ouvre pas. Plus. Et entre ses doigts les entrailles vides d’un avenir qu’il n’a plus. Cahiers pour l’université abandonnés sur le bureau. Et ses ongles qu’il peint sans grande envie. Les couleurs sont ternes. Ça va faire deux mois. Et l’ombre glacée de son anniversaire pointe le bout de son nez. Sans lui. À jamais sans lui. Non. Il ne veut pas y penser. Et ses doigts s’activent sur des décorations qu’il pose sur ses ongles, comme si poser un peu de joie pouvait lui faire oublier son départ. Il ne quitte plus vraiment l’appartement maintenant. Cocon protecteur, voilà qu’il donne l’impression d’un tombeau. Enfermé avec ses souvenirs. Il ne veut plus sortir. Plus faire d’effort. Plus rien faire. Le temps d’un instant et on l’a privé de lui. De son oxygène. Le temps d’un instant, et son cœur s’agite toujours quand il entend les clefs dans la serrure, quand il voit sa silhouette. Quand il le voit. Ja. Copie conforme de Yeongjun. Ou presque. Presque. Sinn capable de les discerner. Capable de faire la différence. D’un regard. D’une parole. Il n’y a plus rien à faire. Lion dans une cage, il tourne en rond Sinn. Le voit partout. Le voit tout le temps. Espère un instant qu’à son réveil il sera là. Il oublie de vivre. Il a oublié de vivre. Sa vie entre parenthèses. Et le temps s’abrutit contre ses larmes qu’il retient. Il finit par s’allonger sur le canapé. Ce n’est pas très grand ici. Mais c’est chez eux. C’était. Passé qu’il exècre. Tellement. Maintenant c’est étouffant. Mais il ne peut pas quitter l’endroit. Angoisse. Comment vivre sans lui. Désespoir. Il ne peut vivre sans lui. Et Sinn qui étouffe ses sanglots dans les coussins, volonté de faire le fort alors qu’il se détruit peu à peu. Et Sinn qui s’endort toujours, les yeux rouges et les pleurs bloqués dans sa gorge. Journée qui passe tandis qu’il reste là, recroquevillé sur ce canapé. Moments où son esprit erre, l’espoir de ne jamais se réveiller également. Mais les brumes de l’inconscience se dissipent et la main contre sa joue est bien trop rassurante. Yeux qui papillonnent, son nom entre ses lèvres. « Jun. » Mais les brumes se dissipent et celui qui se dessine devant ses yeux ce n’est pas Jun. Non. Ja. Son jumeau. Étoiles dans ses yeux qui s’éteignent une à une. « Sorry. I overslept. » Voix rauque encore remplie du sommeil, il se décale Sinn, fuit le contact. Fuit aussi les remontrances qu’il entend déjà arriver. « I will make dinner. Sorry. » Yeux baissés, de nombreuses excuses entre ses lèvres. Il maudit la présence de Ja comme la recherche. Masochiste. Trop. Parce qu’il lui ressemble trop. Que ça en est cruel. Tellement.